L'enfant était parti de bonne humeur, et comme pour le manifester il frappait du plat de la main sur le guidon de son vélo. C'était le petit matin, la lumière n'était pas encore pleine, il avait toute la journée devant lui. Cette fois il allait la trouver, la source. A la sortie du bourg, dans les champs qui montaient en pente douce vers le coteau, il y avait une source. Il le savait, de source sûre. C'était le vieil Hippolyte, l'aveugle du village, qui lui avait dit. Tout le monde avait oublié son existence, et pourtant l'enfant était persuadé qu'elle existait encore. Bouchée peut-être, mais toujours là.
Il posa son vélo le long d'une clôture, fit sonner la cloche du guidon d'un coup d'ongle, comme pour prévenir l'esprit de la source de son arrivée, puis se glissa sous le barbelé. On allait voir ce qu'on allait voir.
A l'autre bout du pré, derrière un petit bosquet, c'est aussi ce que se disait Butor, le taureau charolais d'une tonne qui venait d'être dérangé.