Flâneur

Quelques mots d'un flâneur ordinaire...

vendredi 25 février 2005

Haute-Pierre : une haute idée de la littérature populaire

Je l'avais placé dans mon trio de tête pour une sélection, mais je n'en avais pas parlé plus que ça. Et puis j'ai observé que ce titre faisait partie des mots-clés qui me ramènent régulièrement du monde. Alors je l'ai relu (avec plaisir et pour la énième fois) et voici mon avis plus détaillé sur Haute-Pierre de Patrick Cauvin.

Tout d'abord un bref résumé (oui, je sais, "bref résumé" c'est un pléonasme, mais je dis ce que je veux, je suis chez moi après tout) : Marc Conrad est scénariste pour la télévision, assez demandé car productif et efficace. Il tombe amoureux d'Andréa, une costumière rencontrée sur le tournage de l'un de ses téléfilms. C'est l'occasion pour lui de réaliser son rêve : acheter une maison loin de Paris et partir y vivre un an avec Andréa et son fils de huit ans. La maison en question est un vieux manoir en Anjou, Haute-Pierre. Mais Marc découvre l'un après l'autre des faits troublants concernant les anciens propriétaires...

Côté forme, c'est simple, original et ça fonctionne. Un récit en neuf temps, où chacun commence par une description de maison hantée et finit par un extrait de journal de l'un des personnages. Côté fond, l'intrigue progresse méthodiquement, le suspense monte, jusqu'au retournement final qui marche diaboliquement bien. Côté style : le pied. Ca coule comme du petit lait, ça se laisse lire tout seul, on rit souvent aux personnages pittoresques, on a parfois la gorge serrée.
Au dos du livre, Pierre Tchernia en dit : "Le genre de livre que l'on voudrait avoir écrit. Et qui donne envie d'écrire." C'est exactement ça.

Flânons donc.

samedi 19 février 2005

One man show : et le spectacle continue... ailleurs

Pour vous parler de ce roman de Nicolas Fargues, je recopie directement le "résumé" de la quatrième de couverture.
"Bonjour. Je ne voudrais pas me vanter mais si la lâcheté masculine, le petit monde de la télévision française et l'Amérique du Nord vous intéressent, ce livre devrait vous plaire. Je vous le dis avec d'autant plus de simplicité que, de même que le héros ne cherche pas à jouer les héros dans ce livre, je n'ai pas cherché, moi, en l'écrivant, à y faire de la littérature."

Tout semble dit dès le départ. Ce n'est pas de la littérature. Si je voulais être cassant, je dirais que c'en est un vague sous-produit. Pas d'architecture, un point de départ sans doute pris au hasard et un point d'arrivée mollement consensuel, pas de progression. Pas de propos non plus, juste les atermoiements du personnage principal que l'on suit de façon archi linéaire. Pas d'action ou à peine, des rebondissements limités à des prémices, bref, rien que du très pauvre.
Et pourtant. Pourtant, il est un domaine où ce roman se montre riche. D'une richesse incomparable. Celui des effets de style. Cela agace, dès le début. Dès la première phrase : "J'ai toujours pensé qu'un écrivain ne pouvait faire un héros crédible de roman". Puis deux pages pour développer l'idée. Mais le héros narrateur est un écrivain. Autre exemple, les mises en abyme répétées : un personnage parle au héros écrivain de son dernier roman, et c'est justement une caractéristique du livre que vous avez entre les mains. A la longue, c'est pénible, cette connivence artificielle et forcée avec le lecteur. Ou encore, les références à d'autres auteurs, tout en précisant systématiquement entre parenthèses qu'il ne les a pas lus. Grrrr.
Je pourrais allonger la liste, mais on va me taxer d'utiliser l'énumération comme un effet de style ! Bref, allez lire autre chose sans scrupules et sans regrets.

Flânons donc.

jeudi 10 février 2005

L'absolue perfection du crime : étrange et cotonneux

Voilà un livre qui ne manque pas d'originalité. A première vue pourtant, l'histoire semble classique. Marin sort de prison, et pour asseoir la réputation de la "famille", il décide avec l'accord de "l'oncle" d'organiser un gros coup : le hold-up du casino. Andrei et Pierre, les autres "neveux", seront bien sûr de la partie.

Mais voilà, outre le fait que tout ne se déroule pas comme prévu, le récit, mis sous la plume de Pierre, est singulier. Il raconte les événements tels qu'ils se sont déroulés, simplement mais avec souvent un regard détaché. L'ambiance est glauque comme les rapports entre ces petits malfrats, mais aussi étrangement ouatée. Tout est assourdi, arrondi, étouffé, irréel. On jurerait presque qu'un voile de brouillard a été tendu entre l'action et le lecteur. Le résultat, surprenant, est pourtant remarquable. Je vous livre l'un des commentaires en quatrième de couverture : "Rien ne vient troubler l'étrange fluidité du récit". C'est exactement ça. Je salue donc la maîtrise technique de l'auteur, Tanguy Viel, qui impose un style original et fascinant.
D'autant plus fascinant pour moi, rédacteur amateur (je n'ose pas dire écrivain), qu'il démontre qu'il est possible d'écrire un roman entier (court certes, mais roman tout de même) sans le moindre dialogue. C'est rassurant.

Flânons donc.

mercredi 2 février 2005

Podium : sosie d'un chef-d'oeuvre

Le battage médiatique a été tel que beaucoup doivent croire que Podium, c'est un film. Sauf qu'au départ, c'est d'abord un livre de Yann Moix. Le susmentionné vacarme publicitaire ne nous a pas laissé ignorer le thème de l'oeuvre : Bernard Frédéric est un sosie de Claude François jusqu'à la démesure.

Je le dis tout net : je viens donc de lire le roman, mais je n'ai pas vu le film. Et franchement, je ne suis pas pressé de le voir (je rappelle, je n'ai toujours pas vu Titanic et n'en manifeste pas le désir). Pourquoi cette réaction ? Peut-être parce que le roman est réussi dans la forme, et je crois qu'il perdrait cette originalité au cinéma. Les chapitres sont libellés de chansons de Claude François (évidemment) et sous-titrés de "citations" de Bernard Frédéric, du genre : "Ce que j'aime dans la vie, c'est la vie de Claude". Le procédé n'est pas tout neuf, mais il est bienvenu. Tout comme le recours aux annexes, une bonne trouvaille. Des annexes bien délirantes : liste de sosies officiels et non-officiels de Cloclo (dont des noirs, des femmes...), liste "Que sont-ils devenus ?" des chanteurs d'un tube des années 70 et 80, épreuves de musicologie aux examens de sosie officiel de Claude... bref des petites choses assez réjouissantes. Tout comme les citations (vraies, cette fois) de... Jean-Claude VanDamme, mises çà et là dans la bouche de Nanard, et que l'on entend forcément avec la voix de Benoît Poelvoorde (j'aime plutôt bien Poelvoorde, même s'il en fait souvent un peu trop).

Sur le fond... difficile de se prononcer. La critique du monde finalement absurde des sosies, et de la célébrité à outrance, est bien là, sous-jacente. Mais les situations sont tellement caricaturales et les personnages tellement extrêmes que cela porte plutôt à rire... et à oublier la critique.
Et je ne peux oublier de mentionner le dernier aspect qui m'a plutôt fait aimer ce livre : Yann Moix est un payse. Orléanais comme moi, ses récits des minables apparitions de Nanard en Cloclo sont truffés de noms de bleds, de magasins, d'endroits qui existent vraiment et que je connais, forcément. Il cite même une prof que j'ai eue (on a fréquenté le même collège à quelques années d'intervalle). Evidemment, le récit prend pour moi la coloration bienveillante de la nostalgie et de la connivence.
Tout cela étant dit, et avec ce que j'ai entendu des autres livres du bonhomme (assez hard), il n'est pas sûr que j'irai en lire un autre. Mais celui-là était pas mal.

Flânons donc.

mardi 1 février 2005

H2O : comme un poisson dans l'eau

Je vous avais parlé il y a un moment de Poison vert, roman policier et bien plus de Patric Nottret. Je n'avais pas tari d'éloges au sujet de ce livre, qui était effectivement le meilleur que j'aie lu depuis bien longtemps. H2O, c'est son petit frère, tout juste sorti des mains des imprimeurs (octobre 2004), que je me suis fait offrir pour Noël.

On y retrouve le détective Sénéchal, écoflic de son état, et sa paire de bretelles. Qu'il va balader cette fois-ci au soleil de la Réunion. La cause qu'il défend, c'est celle du coelacanthe (prononcez sélacante, c'est la vie), un rarissime poisson des profondeurs, aussi ancien que les dinosaures, et qui pourrait être un "chaînon manquant" entre les poissons et les reptiles, autrement dit l'ancêtre de la vie hors de l'eau. Aussi Sénéchal prend-il le mors aux dents lorsqu'il soupçonne le navire - en apparence honnête - d'une fondation de recherche d'être en réalité à la poursuite du vieux poisson au large des côtes réunionnaises. Il va poursuivre son enquête jusqu'en Indonésie en apprenant que le fonctionnaire des Nations Unies chargé du classement du coelacanthe en espèce protégée s'est bizarrement suicidé quelques semaines auparavant. Cette enquête encore l'amènera à rencontrer un très vieux milliardaire japonais, un adepte du vaudou et un capitaine suisse bien loin de la neutralité.

Un deuxième volume qui n'a pas grand-chose à envier au premier (si ce n'est évidemment l'effet de surprise). La base scientifique est toujours aussi sûre, le savoir-faire en matière de suspense et d'intrigue toujours aussi évident, les personnages toujours aussi pittoresques. Vraiment pour trouver quelque chose à critiquer, j'aurais aimé un peu plus de réparties humoristiques et un peu moins de violence.
Quoi qu'il en soit, ai-je besoin de préciser que je recommande celui-ci autant que le précédent ? Vivement le prochain !

Flânons donc.

H2O