Flâneur

Quelques mots d'un flâneur ordinaire...

samedi 20 octobre 2007

Deux tirages de dés

Il était assis sur le banc, aussi immobile qu'une montagne. Pas un geste, les yeux fermés. Les gestes, il les faisait en dedans. Il passait et repassait dans sa tête les positions, les mouvements à enchaîner, leurs noms qu'il avait eu bien du mal à apprendre et qui maintenant lui venaient aux lèvres sans effort. Il se répétait où poser la main, dans quelles circonstances, à quoi faire attention chez l'autre, les gestes qu'il ne fallait pas le laisser esquisser. Il devrait jouer sur son poids, mais aussi sur sa vitesse. Ne pas le laisser endormir la pendule. Attaquer, attaquer sans relâche jusqu'à la dernière seconde. Faucher, balayer, bloquer, mettre au sol. Les épaules, les bras, les jambes, tout contrôler. La victoire ne réclamait pas moins.
Un homme entra et lui dit un mot. Il ouvrit les yeux, se mit debout et renoua méticuleusement sa ceinture. Puis il fit quelques pas pour se rendre jusqu'au tatami.

samedi 13 octobre 2007

Rébellion

- Je t'avais bien dit que les bons sentiments ça marche pas !
Le musicien s'adressait à son chanteur sur un ton véhément.
- Tu veux toujours faire des textes à l'eau de rose, l'amitié, la joie, l'espoir... que dalle ! Tout ce qui dégouline, les gens ça les emmerde !
Le groupe venait de faire un bide, la salle était restée glaciale devant leurs dernières compositions. Pas un applaudissement, pas un frémissement. Le musicien continuait, tout en tripotant machinalement le noeud en rhodoïd jaune qu'il avait fixé sur le manche de sa guitare :
- Le public maintenant, ce qu'il veut c'est du trash, du sang, du choc, du rock 'n roll. C'est ça qui le fait réagir. Lui faire verser des larmes de crocodile, c'est pas ça qui fait recette. Pour avoir du succès, il faut les faire s'étouffer, leur faire cracher la pastille, qu'ils s'étranglent, qu'ils hoquettent ! Si tu les laisse respirer tranquillement, ils se cassent.
Allez, pour le prochain album, c'est moi qui écris les textes.