Flâneur

Quelques mots d'un flâneur ordinaire...

dimanche 30 mars 2008

Métaphore saturée

L'enfant était parti de bonne humeur, et comme pour le manifester il frappait du plat de la main sur le guidon de son vélo. C'était le petit matin, la lumière n'était pas encore pleine, il avait toute la journée devant lui. Cette fois il allait la trouver, la source. A la sortie du bourg, dans les champs qui montaient en pente douce vers le coteau, il y avait une source. Il le savait, de source sûre. C'était le vieil Hippolyte, l'aveugle du village, qui lui avait dit. Tout le monde avait oublié son existence, et pourtant l'enfant était persuadé qu'elle existait encore. Bouchée peut-être, mais toujours là.
Il posa son vélo le long d'une clôture, fit sonner la cloche du guidon d'un coup d'ongle, comme pour prévenir l'esprit de la source de son arrivée, puis se glissa sous le barbelé. On allait voir ce qu'on allait voir.
A l'autre bout du pré, derrière un petit bosquet, c'est aussi ce que se disait Butor, le taureau charolais d'une tonne qui venait d'être dérangé.

samedi 1 mars 2008

Orientation

C'était l'automne, et comme les feuilles mortes se ramassent à la pelle, j'avais décidé d'aller faire une balade en forêt. Je venais d'arriver dans la région et on m'avait recommandé celle qui était toute proche. Première déconvenue en arrivant, ce n'était pas le taillis auquel je m'attendais, mais une forêt de sapins. Pas de jolies feuilles dorées par terre donc. Mais des papiers gras, ça oui.
Un peu agacé, je tentai de repérer un chemin inusité et commençai à l'arpenter avec plaisir. Il montait en lacets au flanc de la vallée, et j'entendais le murmure apaisant d'un petit ruisseau qui coulait tout proche. Hélas, ce chuchotis fut bien vite couvert par le bruit assourdissant d'un moteur pétaradant.
C'était un jeune con, au volant d'une petite moto à quatre roues, qui grimpait le chemin à fond de train, incontrôlable et inconscient. Il me dépassa sans un regard et sans un geste : je ne faisais pas de bruit, je ne bougeais pas très vite, je comptais donc pour quantité négligeable. Après son passage, mon nez m'informa que le sans-gêne n'avait pas pollué que l'environnement sonore, mais aussi l'air ambiant d'un puissant relent d'essence. Ecoeuré, j'abandonnai le chemin et partis dans les sous-bois.