J'ai un peu hésité avant de venir vous relater ce qui m'est arrivé il y a deux semaines environ. Et le fait que je continue à y penser m'a fait comprendre que cela m'avait marqué plus que je ne voulais l'admettre. Il fallait alors que ça sorte. Une note en forme d'exutoire, donc.

Je revenais du bureau de poste le plus proche, à pied. Pour une fois discipliné, j'ai traversé au passage clouté (qui ne sont plus cloutés depuis longtemps d'ailleurs). J'étais au milieu de la rue et la voiture qui venait sur ma droite arrivait franchement vite. J'ai hésité : elle n'avait pas l'air de vouloir ralentir ; j'ai fini par m'arrêter. J'ai bien fait, car elle ne s'est décidément pas arrêtée. Au moment où elle passait devant moi, ma mauvaise humeur a pris le dessus : j'ai écarté les bras (oui oui, comme la caricature de Bachelet (non, pas Bachelot) mais sans l'air bêta). Puis j'ai fini de traverser et poursuivi mon chemin.

Trente secondes plus tard, une voiture se porte à ma hauteur, vitre ouverte. C'était le type du passage clouté qui avait fait demi-tour... pour venir m'engueuler ! Non pas parce que j'avais traversé (ouf ! j'avais encore ce droit-là), mais parce que j'avais manifesté mon mécontentement ! J'ai tenté de lui expliquer que je m'étais arrêté parce que lui ne l'avait pas fait et que c'est ça qui n'était pas normal, mais j'ai vite abandonné. J'aurais eu plus de chance de résultat à tenter de convaincre son moteur de tourner à l'envers. J'ai donc tourné les talons. Il n'empêche que j'ai eu peur. Peur qu'il vienne me coller un pain. Il a d'ailleurs menacé de le faire !

Quelques réflexions en vrac :
1. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui foutre que je sois pas content ? Il avait vraiment du temps à perdre pour faire demi-tour et venir me balancer ses insultes ? Non, c'est pire : de par mon attitude, j'ai osé critiquer sa conduite. Je l'ai blessé dans son orgueil (j'allais ajouter "de mâle", mais malheureusement je n'ai plus aucun doute que bon nombre de femmes sont capables de se comporter aussi brillamment). En bref, j'ai commis un crime de lèse-conducteur. Absolument impardonnable.
2. Quel est donc ce poison qui suinte de nos volants ? (je me mets volontairement dans le lot car j'ai aussi une voiture, il faut arrêter de ne se donner que le beau rôle) Quelle est cette toxine insidieuse qui nous rend agressifs, méprisants, violents, sans bon sens, irrespectueux voire presque hystériques ? Apparemment, la dose est d'autant plus forte que le véhicule est gros ou rapide. (Comment ça je vise les 4-4 (au fait, vous savez pourquoi on les appelle 4-4 ? 4 roues - 4 de QI) et les voitures de sport ? Non non, aussi les camions, les fourgonnettes, les monospaces...). Parce qu'on a une tonne de carrosserie autour de soi, il semble qu'on oublie dramatiquement vite qu'au moindre choc, pour les piétons, cyclistes ou même motards ce ne sont pas des tôles froissées et du verre brisé mais des os cassés et des chairs déchirées. Essayons de nous en souvenir un peu plus souvent.
3. Ces maudits français vont finir par me faire regretter les américains. Quand j'y étais à pied, au moindre signe de vouloir traverser (des fois même avant !) et même complètement en dehors des passages réservés, les gens s'arrêtaient. C'est pas beau ça ?

Flânons donc.