Flâneur

Quelques mots d'un flâneur ordinaire...

samedi 14 juin 2008

Caramba, encore raté !

Je raterais un éléphant dans un couloir. Cette expression, elle est faite pour moi. Comme plein d'autres. Je suis un raté. Un vrai de vrai. Déjà avant ma naissance : je suis issu d'un avortement raté. Ma naissance elle-même, par le siège, a été ratée. Je passerai brièvement sur ma scolarité, écourtée puisque ratée elle aussi. Impossible de devenir quelqu'un puisque mon éducation a été aussi ratée que le reste. Je sais écrire, mais avec des ratures. Je me suis retrouvé dans la rue, avec des petites frappes. Mais puisque je ratais tout je ne pouvais même pas espérer devenir un caïd. Tout ce que j'entreprends, je le rate. Je n'ai jamais eu mon permis de conduire : raté sept fois... Je suis obligé d'habiter un appartement au rez-de-chaussée : la moindre marche, je la rate. Je n'ai jamais invité quelqu'un chez moi parce que je raterais même des nouilles si je cuisinais.
Quarante ans à tout rater, je suis usé. Je ne pense même pas à me suicider, puisqu'il est évident que je me raterais. Mais la mort, elle, peut-elle réussir à ne pas me rater ?

dimanche 1 juin 2008

Argent et sentiments

Faire des profits en étant gentil, est-ce possible ? Faire passer des augmentations de prix en douceur, est-ce envisageable ? Voilà le genre de questions que se posait à présent Marc, responsable des ventes de cette grande firme de produits laitiers. Pendant des années, la seule question qu'il s'était jamais posée était : comment augmenter le plus possible les bénéfices ? Développer les ventes, comprimer les coûts, voilà bien sûr les réponses que Marc avait appliquées.
Mais depuis son voyage en Asie du sud-est, il n'était plus le même. Il avait voulu s'échapper pendant une journée du havre à touristes où il flemmardait, et ce qu'il avait découvert au-delà l'avait bouleversé. La famine, le désarroi, la misère... et les yeux des enfants. Il avait dû se forcer comme jamais pour reprendre le travail. Et encore, depuis son retour il ne faisait plus rien que les affaires courantes, il tentait de préserver un fragile équilibre de statu quo qui pourtant, il le savait bien, ne le servait pas auprès du directeur général.
Marc s'en fichait. Il était simplement écoeuré des manoeuvres, de la corruption, de l'odeur douceureuse du fric qui entre à flots. Il fallait qu'il réagisse. Le flingue qu'il avait apporté et déposé dans le tiroir de son bureau devrait faire l'affaire.