Je raterais un éléphant dans un couloir. Cette expression, elle est faite pour moi. Comme plein d'autres. Je suis un raté. Un vrai de vrai. Déjà avant ma naissance : je suis issu d'un avortement raté. Ma naissance elle-même, par le siège, a été ratée. Je passerai brièvement sur ma scolarité, écourtée puisque ratée elle aussi. Impossible de devenir quelqu'un puisque mon éducation a été aussi ratée que le reste. Je sais écrire, mais avec des ratures. Je me suis retrouvé dans la rue, avec des petites frappes. Mais puisque je ratais tout je ne pouvais même pas espérer devenir un caïd. Tout ce que j'entreprends, je le rate. Je n'ai jamais eu mon permis de conduire : raté sept fois... Je suis obligé d'habiter un appartement au rez-de-chaussée : la moindre marche, je la rate. Je n'ai jamais invité quelqu'un chez moi parce que je raterais même des nouilles si je cuisinais.
Quarante ans à tout rater, je suis usé. Je ne pense même pas à me suicider, puisqu'il est évident que je me raterais. Mais la mort, elle, peut-elle réussir à ne pas me rater ?